Communication vs Marketing

Je me rappellerais longtemps de ce moment où j’ai réalisé que la différence entre communication et marketing n’était pas une évidence pour tout le monde, encore moins là où cette compréhension est capitale.

Tout a commencé par un changement d’équipe. Aucune discussion, aucun cadrage, pas même un échange formel. Juste une notification dans l’organigramme : à compter de ce jour, je suis rattachée à l’équipe marketing. Nouvelle ligne hiérarchique, nouvelle dynamique. Ma N+1 est désormais la VP Brand.

Je prends note. Et comme toujours, j’observe d’abord. Je cherche à comprendre comment les rôles sont répartis, comment les décisions sont prises, comment les responsabilités sont structurées.

Très vite, un flottement. Une impression diffuse mais persistante : ici, la communication corporate n’existe pas comme fonction stratégique autonome. Elle est intégrée, diluée, redéfinie à travers les objectifs marketing. Thought leadership ? C’est orienté produit. Contenus stratégiques ? Ils doivent servir la conversion. Positionnement ? Réduit à des slogans de campagne.

Au fil des jours, cette confusion s’installe dans chaque échange. On me demande d’écrire des articles « haut de funnel » sur des fonctionnalités, de produire des assets « thought leadership » autour de nos produits. Et à aucun moment il n’est question de ligne éditoriale corporate, de réputation, de relations médias, d’alignement stratégique avec la direction générale.

Alors je prends l’initiative de poser le sujet. Un 1:1 avec le CMO. Une conversation franche, posée. J’exprime mon étonnement face à la confusion permanente entre communication et marketing. Je souligne que ce sont deux métiers, avec des objectifs, des cibles et des méthodologies fondamentalement différentes.

Et sa réponse, cinglante, tombe sans appel :

« La communication, c’est du marketing. »

Dit autrement : votre métier n’existe pas en tant que tel. Il est une annexe. Un outil. Une fonction d’exécution.

Ce jour-là, j’ai compris que le cœur du problème ne venait pas d’un manque de moyens, ni même d’un désaccord stratégique. Il venait d’une chose bien plus insidieuse : la négation même de l’identité d’un métier.

Et tant que cette confusion perdurera dans les entreprises, ni la communication ni le marketing ne pourront jouer pleinement leur rôle. Pire encore, cette méconnaissance alimente des tensions inutiles, des attentes contradictoires et des décisions mal alignées avec les objectifs réels de l’organisation.

Alors il est temps de faire le point. De poser les définitions. De rappeler les fondations. Et d’expliquer pourquoi confondre communication et marketing, ce n’est pas seulement une erreur de perception — c’est une faute stratégique.

Vous pensez savoir faire la différence ? Faites-le test !

Communication et marketing : deux vocations, une finalité partagée

Commençons par là : non, la communication n’est pas un sous-ensemble du marketing. Et non, le marketing ne peut pas assumer à lui seul toutes les dimensions du récit d’une entreprise.

Les deux métiers ont une finalité commune : servir l’entreprise. Mais leurs rôles, leurs leviers et leurs temporalités sont différents.

Le marketing cherche à vendre. La communication cherche à faire comprendre.

Le marketing segmente, cible, positionne, active. Il pense produit, offre, client. Ses indicateurs : taux de conversion, coût d’acquisition, part de marché. Il travaille en cycles courts à moyens, orienté performance et résultats chiffrables.

La communication corporate, elle, s’inscrit dans le temps long. Elle pense réputation, cohérence, légitimité. Ses publics sont pluriels : médias, collaborateurs, investisseurs, institutions, communautés. Elle ne vend pas un produit. Elle construit une crédibilité. Elle sécurise un environnement.

Confondre communication et marketing, c’est comme piloter un avion comme on fait voler un cerf-volant : illusion de contrôle, trajectoire incertaine, crash imminent.

Pourquoi cette confusion est-elle si fréquente ?

1. Une culture du résultat immédiat

Dans beaucoup d’organisations, ce qui n’est pas mesurable en clics, en leads ou en trafic est perçu comme secondaire. Or la communication travaille l’intangible : perception, relation, confiance. Trois leviers essentiels, mais difficiles à KPI-ser en temps réel. Résultat : on l’intègre au marketing pour « lui donner du sens », c’est-à-dire… des chiffres.

2. Une centralisation du pouvoir dans les mains du marketing

Parce qu’il dispose des budgets, des canaux, des outils, le marketing tend à vouloir « coordonner » toutes les expressions de l’entreprise. En théorie, cela part d’un bon principe : cohérence. En pratique, cela devient une prise de contrôle qui empêche la communication de jouer son rôle d’interface stratégique.

3. Un manque de culture sur la fonction communication

Il arrive que certains dirigeants n’aient jamais travaillé avec une direction communication forte, indépendante, structurée. Ils réduisent alors la communication à un savoir-faire rédactionnel ou événementiel. Or la communication n’est pas l’art de « faire joli » ou « raconter une histoire ». C’est l’art de positionner, de représenter, de négocier l’image d’une organisation dans un monde complexe.

Que risque-t-on quand tout est confondu ?

1. Une perte de lisibilité

À force de vouloir tout « marketer », le message devient flou. On s’adresse au grand public comme à des partenaires institutionnels. On aligne des slogans là où il faudrait des preuves. Résultat : personne ne sait plus vraiment ce que l’entreprise défend.

2. Une perte de crédibilité

Les journalistes, les talents, les partenaires stratégiques ne se reconnaissent plus dans un discours qui sonne trop commercial. Ils cherchent du fond, pas du packaging. De la vision, pas du produit.

3. Un affaiblissement de l’interne

Quand tout est centré sur la performance externe, on oublie les collaborateurs. On oublie le sens. Et à terme, on perd l’adhésion. La communication interne, trop souvent oubliée ou reléguée à des newsletters fades, devient un angle mort stratégique.

Comment coordonner communication et marketing sans les confondre ?

La clé, ce n’est pas l’opposition. C’est la clarté des rôles.

  • Une gouvernance différenciée mais collaborative : la communication doit avoir un accès direct à la direction générale. Pas pour contourner, mais pour incarner. Elle porte l’image de l’entreprise.
  • Des indicateurs adaptés à chaque métier : on ne mesure pas une réputation comme on mesure une campagne. Il faut accepter cette différence.
  • Un narratif commun, décliné selon les cibles : le « pourquoi » de l’entreprise doit être partagé. Le « comment » varie : le marketing l’exprime à travers le produit. La communication à travers les engagements, les discours, les prises de position.

Et si vous êtes communicant·e dans une organisation qui ne respecte pas votre métier ?

1. Posez des mots

Nommer ce que vous faites est le premier acte de reconnaissance. Vous ne produisez pas « du contenu », vous construisez une réputation, vous structurez un discours, vous sécurisez l’image de l’entreprise.

2. Documentez votre impact

Recensez vos actions, vos livrables, les résultats obtenus. Une bonne gestion de crise, une couverture presse stratégique, une montée en puissance sur LinkedIn, une meilleure adhésion interne : tout cela est mesurable — à condition d’y prêter attention.

3. Bâtissez des alliances

RH, juridique, direction générale, relations partenaires… toutes ces fonctions ont besoin d’une communication claire, cohérente, solide. Servez-les. Et montrez-le.

En conclusion : pour être entendu, il faut d’abord être compris

Communication et marketing ont tout à gagner à travailler ensemble. Mais l’alliance ne peut exister que si les frontières sont respectées.

Quand la communication est absorbée par le marketing, elle perd sa mission première : celle d’incarner, d’aligner et de protéger ce que l’entreprise représente.

Et c’est bien cela, aujourd’hui, que nous devons défendre : la capacité à faire sens dans un monde saturé de messages. Non pas pour vendre plus vite, mais pour durer plus longtemps.

Pour aller plus loin : ne confondez jamais message, marketing et design

Dans un article marquant publié par la Harvard Business Review, Dan Pallotta rappelle une vérité souvent oubliée : communiquer, ce n’est pas faire du marketing, ni produire du design. C’est avant tout savoir exactement ce qu’on veut dire — et tout construire autour de cela. Il démontre comment trop d’entreprises sabotent leurs campagnes en oubliant l’essentiel : le message. Une lecture éclairante pour toutes celles et ceux qui veulent remettre la communication au cœur de la stratégie.

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